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Littérature française

Anna-Eva BERGMAN ou la genèse éternelle

Derniers jours pour cette exposition qui se clôt au MAM le 16 juillet

Pour Anna-Eva Bergman, figure-clé de la peinture de l’après-guerre et habitée par la lumière, tout débutera et se terminera, par une éclipse.

Malgré une éclatante production, une vie d’ermite et d’introspection au service de son art, une œuvre unique d’alchimiste de la feuille métallique, elle restera jusqu’à la fin de sa vie, en 1987, madame Hans Hartung. Le MAM Paris lui rend hommage jusqu’au 16 juillet. Alléluia!

Une première rétrospective tardive mais ambitieuse. A travers plus de 300 œuvres, archives, documents visuels et audiovisuels, parfois inédits, le musée embarque ses visiteurs dans ce qu’il a nommé Un voyage vers l’intérieur.

Une passionnante exposition en forme d’hagiographie. Parfaitement à propos puisqu’à moins d’avoir été faire un tour à la fondation Hartung-Bergman, à Antibes, peu nombreux sont ceux qui connaissent son œuvre.

Pour être honnête, son invisibilité et l’absence d’historiographie, ne tiennent pas uniquement au fait qu’on l’ait laissé dans l’ombre du génie de son mari, qui avait grand respect pour son talent, mais aussi à la difficulté qu’il y a à reproduire photographiquement son art.

Il faudra attendre 1950, pour qu’elle déploie les jeux de lumières que lui apportent la feuille métallique. La feuille d’or transforme la matière en lumière, confie Bernard Derderian, qui fut l’assistant du couple. Cette technique particulièrement difficile est fondatrice de l’œuvre de Anna Eva Bergman. C’est la seule artiste du XXe siècle à l’utiliser ainsi, explique Hélène Leroy, la curatrice de l’exposition.

Interroger sans cesse notre place dans le cosmos

Elle cherche l’absolu, qui se cache derrière tout, dit Thomas Schlesser, historien d’art, l’univers, les paysages, la nature. Certains la rapprocheront de Rothko pour cette approche d’une peinture quasi contemplative. Elle-même se sentait plus proche de Jean Arp ou d’Antoni Tapiès.Le premier pour son rapport à la géométrie, le second peut-être pour ses collages. Et donc ses reliefs.

Une peinture doit être vivante et-lumineuse- contenir sa propre vie intérieure. Elle doit avoir une dimension classique-une paix et une force qui oblige le spectateur à ressentir le silence intérieur que l’on ressent quand on entre dans une cathédrale, écrit-elle. Lumineux écrit de l’artiste qu’elle a laissé en grand nombre. Tous rendent compte de son expérimentation intérieure permanente. Lorsqu’on l’interrogeait sur le sens de l’art, elle répondait montrer aux hommes quelque chose qu’ils ne savent pas mais qu’ils doivent connaître.  

Le livret de l’exposition du MAM particulièrement esthétique, nous invite d’ailleurs à la parcourir en mode méditatif. On se laissera emporter… Elle s’aperçut que la technique elle-même tant au niveau physique qu’à l’état méditatif et au niveau visuel, produisait l’effet qu’elle recherchait. Elle avait trouvé la technique parfaite, ponctueBernard Derderian.

L’horizon signifie pour moi, l’éternité, l’infini, au-delà du connu là où on passe à l’inconnu… C’est comme si cet horizon était la limite de toute l’expérience humaine. Comme si j’essayais de le reculer, de l’élargir.

Une longue vie d’apprentissage

Lorsqu’Anna-Eva quitte douloureusement Hartung, une dizaine d’année après leur rencontre-fusion à Paris et leur mariage-passion, elle sait que c’est le seul moyen pour elle de trouver son propre langage artistique. Cette vie consacrée à l’art mais aussi aux philosophies orientales et à la spiritualité, ce voyage intérieur dure une vingtaine d’année, elle se remariera avec Hartung en 1959.

Mais revenons 1939, première étape de sa route en solo. Elle quitte son paradis au soleil de Minorque, où le couple venait de vivre dix ans d’amour et d’eau fraiche pour retourner la Norvège où elle a grandi. Dans ce pays durement touché par la guerre, elle y retrouve la nature et sa puissance évocatrice mais aussi le feu dans un hôtel à Oslo où elle perdra tout : ses écrits et son travail.Tout perdre pour mieux renaître…

Dans les années 50 ,elle monte encore plus haut dans le Nord du Nord de la Norvège, elle saisit que son art passe par sa capacité à figurer cette lumière mais qu’il faut tout réinterpréter car la naturalité la gâcherait, écrit-elle.

Elle y vit ses premières expériences avec la feuille métallique.

Elle y vit sa propre métamorphose.

Une oeuvre tardive et mature

Ana-Eva est une laborieuse… dans le bon sens. Elle étudie longtemps la complexité de la dorure ancienne, se l’approprie et l’enrichit. Travaillant au bol d’Arménie, et maîtrisant parfaitement la technique, elle la dépasse. Elle utilise la feuille comme un support et va la recouvrir, la teinter, la déchirer, la superposer, créant des reliefs et provoquant la dispersion ou la réfraction de la lumière. Simone Hoffmann dans son documentaire, visible sur Arte, la nomme ainsi L’alchimiste de la lumière.

Ce geste presqu’artisanal, qu’elle rencontre tardivement, elle a plus de 40 ans, sera pourtant l’aboutissement et la genèse de son œuvre et lui apportera enfin la reconnaissance du public dans les années 60.

A sa mort, elle sera retombée dans l’oubli.

Par livresagites

journaliste, critique, blogueuse, premier roman en cours

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